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COSMOLOGIE

Qu’importe la merveilleuse unité de l’organisme pensant et du monde pensé, issus du non moins merveilleux ajustement des communes énergies d’évolution. Nous pouvons consigner des phénomènes, les chiffrer, les classer, les coordonner dans leur succession pour essayer de les comprendre et de nous y accommoder. Mais, comment réaliser notre vie dans les inévitables figurations de l’ensemble, si nous nous refusons nous-mêmes aux nécessités de nos immédiates coordinations ?

Coordonner l’homme dans le monde coordonné, qu’est-ce que cela veut dire, sinon que l’homme (phénomène mondial) doit évoluer dans ses naturelles relations organiques avec les évolutions mondiales dont il est le produit ? Se développer selon sa loi, qui s’accorde nécessairement avec les lois dont il est l’effet, c’est pour lui le commencement et la fin de son problème. L’homme droitement coordonné, c’est-à-dire dans le droit enchaînement de ses évolutions organiques, ne peut que s’inscrire dans le droit enchaînement des évolutions mondiales qui l’ont engendré. Et, pour se situer justement, et réaliser ainsi les naturelles conditions de son existence, quel autre moyen pour lui que de reconnaître d’abord son habitacle, depuis l’empreinte de ses deux pieds sur la planète, jusqu’aux lueurs translucides de la nébuleuse la plus lointaine, avec la tentation d’anticiper au delà.

Les évolutions de sa Terre lui dicteront ses propres conditions d’existence, et quand il aura déterminé le cours de ses développements dans les conditions organiques de sa personnalité, il aura trouvé l’orientation légitime de lui-même dans l’exercice de ses facultés. Il aura choisi entre les méconnaissances (trop explicables) des premiers jours, vaporeuses figures de nuées, et le ferme édifice des observations contrôlées.

Alors seulement, en pleine possession de sa personnalité, il fera figure d’homme fait, capable d’abandonner les guides présomptueux qui l’égarèrent dans les détours des apparences, pour prendre résolument en main les rênes de sa destinée. N’étaient les liens de l’atavisme, l’effort pourrait être d’autant plus aisé que ses directions générales de vie individuelle et sociale, depuis notre apparition sur la terre, n’ont pas dévié. Spontanément il a recommandé d’être sincère, juste, bon, miséricordieux, et l’unique embarras provient de ce qu’il ne l’a pas été. Peut-être arrivera-