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AU SOIR DE LA PENSÉE

Coordonner l’homme dans le monde coordonné.

Comment que se régénère le soleil, son sort est nécessairement fixé d’avance, et le nôtre avec lui. Au travers des passages de phénomènes qui sont d’équivalence dans l’univers illimité, il se joue, aux ouragans des choses, un drame de notre vie imperceptible dans le cours des cycles où se déroulent les voies lactées. Éblouissantes épreuves aux fortunes diverses de notre sensibilité.

Plus la disproportion s’accuse entre l’infirmité de notre personnage et les écrasantes rencontres de toutes formations d’infini, plus superbement s’accentue, à notre profit, le haut-relief mental de notre moins que petit dans l’océan sans rivages du Cosmos au delà de la notion de grandeur. Si l’univers lactéen dépasse nos mesures, que l’atome, avec ses électrons, doit peut-être rejoindre en des évolutions de toujours, — n’étant ni l’un ni l’autre des limites de rien, — notre intime frémissement de conscience s’éclaire d’une assez belle auréole de sensations supérieures pour que nous en portions hautement la fierté.

Il est vrai, tout cela n’est que d’un temps aussitôt évanoui qu’apparu. De même nos théâtres où nous recherchons des émotions supplémentaires aux agitations de la vie, sans nous plaindre que l’heure vienne d’avoir à quitter les fictions lumineuses de la scène pour les reposantes réalités du sommeil. Où donc trouver des sujets de lamentations dans la faveur d’une participation au plus grand drame concevable de l’infinité ? Que le jeu de la contraction et de la dispersion solaire, ou toutes autres interventions à reconnaître, prolongent pendant des millions de siècles, l’existence de l’astre (déjà vieux de myriades d’années), que les masses planétaires se précipitent les unes sur les autres, et que notre catastrophe soit du chaud ou du froid, ces préoccupations ne peuvent prendre rang qu’après les éblouissements de la vie. Le temps même nous manquerait pour de puériles satisfactions de gémissements.