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COSMOLOGIE

origines témoigne trop hautement contre la qualité de son information. Supposez que la cosmogonie de Moïse nous soit offerte aujourd’hui, hors des stupeurs de l’enfance, pour une explication définitive de l’univers. Il n’y aurait qu’un cri de protestation. Issue des plus lointains brouillards, elle a pourtant fait son chemin jusqu’à l’accident de Galilée, et Jahveh, rendu prudent par cette aventure et par quelques autres de même sorte, n’ose plus invoquer sa Genèse que dans l’ombre des sacristies. C’est Massillon, je crois, qui pour vaincre les doutes de la future Mme du Deffand, lui voulait simplement mettre en mains « un catéchisme de deux sous »[1]. Il faut que les temps soient changés, car ce même catéchisme, partout répandu, se voit au jourd’hui mis à mal par le plus élémentaire manuel de géologie, de paléontologie, qui confond « l’infaillible Révélation ».

De fortune, les sociétés excellent à vivre dans l’inconséquence. L’enfant va récitant les « leçons » de Moïse, mais, avant l’âge viril, il a dû passer par l’école et par les musées des sciences naturelles où l’éloquent Massillon de Mme du Deffand se fût bien vite empêtré. Des interprétations mythiques aux constatations d’expérience, il y a trop loin pour que le conflit de toujours puisse cesser autrement que par le discrédit final de l’une ou de l’autre partie. Quand de Chaldée les premières connaissances astronomiques se firent jour, l’inconnaissance prit sans retard sa revanche par les défigurations de l’astrologie[2] demeurée si tardivement en crédit. Ce n’est pas à Nostradamus que s’en prit l’Église : ce fut à Galilée.

Cependant, la vieille Bretonne à qui son fils, matelot revenu de voyage, racontait qu’il avait vu des poissons volants et un fer à cheval perdu dans la mer Rouge par le Pharaon à la poursuite des Hébreux, donnait sa pleine créance à cette dernière information, mais jurait que rien ne la ferait jamais croire, à une si flagrante absurdité qu’un poisson volant.

De toutes les cosmogonies qui furent la préface des cultes

  1. Le catéchisme de deux sous est, en effet, bien fort — mais à la condition d’y ajouter l’appui des dragonnades et des échafauds. Massillon n’en dit rien. Il en avait pris son parti.
  2. Aberration qui ne put se produire que par l’attribution fantaisiste d’un nom symbolique aux astres déifiés, sans même essayer d’une justification de rapports entre la dénomination et le monde dénommé.