peler la terre à l’attention de la Divinité. Ils n’avaient que trop de raisons. Seront-ils quelque jour entendus ?
Œuvre d’évolution humaine, le destin du bouddhisme fut d’évoluer aux chances des réactions de l’homme évoluant. Ce n’est pas la doctrine, toute nue, qui suffit à susciter les émotivités profondes de l’idéalisme cultuel. Il y faut l’entrée en scène des légendes par lesquelles se réalise l’inspiration supérieure de l’idéal vivant. Les mythes, en ce sens, sont des guides plus sûrs que le dogme lui-même. Nous en pouvons juger par l’élaboration dogmatique péniblement tirée des rares paroles doctrinales du Nazaréen, tandis que ses paraboles couraient de bouche en bouche dans les églises nouvelles, comme elles font encore parmi nous. Le jaïnisme (réforme du brahmanisme antérieure au bouddhisme) a fourni au Bouddha l’armature de sa doctrine du monde, sans commencement ni fin, avec la théorie des renaissances successives. Sans Divinité suprême[1], il a seulement gardé une cohorte de Dieux secondaires par la grâce desquels peut-être il lui fut permis d’échapper au désastre de la philosophie bouddhique. À Calcutta, le curateur qui me guida dans l’enceinte du grand temple jaïniste, me confia que sa doctrine avait notablement réduit le nombre des Dieux. Il n’y en a plus que quarante-quatre, me dit-il joyeusement. J’en fus soulagé. Au merveilleux temple du Mont-Abu, un autre éminent jaïniste m’assura qu’il n’en restait plus, en somme, que vingt-trois. Cela me parut suffisant. Le jardin du temple bengalais me fit voir des moulages de Dieux grecs avec des personnages fantaisistes de la céramique parisienne, indice d’un grand libéralisme. Faute d’avoir consenti à enlever mes chaussures (dont le cuir attestait le meurtre d’un être vivant), je ne fus pas admis à voir le principe innommable de toutes choses. Mes amis, plus dociles, purent contempler un objet indescriptible, ressemblant, me dirent-ils, à un morceau de verre bleu. Point de spéculation sur les origines. Il reste heureusement la structure du monde pour métaphysiquer. Par sa métempsychose, le Védisme a sauvé Jaïnisme et Bouddhisme d’une métaphysique de la vie.
- ↑ Une très importante école du brahmanisme le plus pur écarte également l’idée d’une personnification de la Divinité. La Ramayana nous parle des Brahmanes athées.