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COSMOGONIES

historique que toutes les légendes antiques dont les racines plongent dans la nuit des primitivités. Honorons-les d’un pieux respect pour leurs naturelles insuffisances, et passons à l’observatoire.

La conscience progressive des problèmes.

D’où qu’il vienne, où qu’il aille, le monde nous tient et nous emporte à des développements dont la suite infinie échappe aux inductions de notre expérience. Tout le champ, sans mesure, du devenir est en lui. Nous, passagers d’un jour, nous avons sauvé de l’inconsciente domination des choses quelques possibilités de connaître et d’agir qui nous assurent l’avantage — d’une collaboration infime à l’œuvre planétaire où inconscience et conscience viennent provisoirement confluer. Cependant, le Cosmos demeure notre maître, même dans l’entr’acte d’une vie qui nous séduit d’une anticipation de revanche éphémère sur la victoire inévitable de l’infinité.

C’est l’éclair de cette explosion de personnalité dont nous faisons tant de tapage. L’excuse s’en découvre dans la haute fortune d’une conscience de nous-mêmes et des choses qui nous élève tremblants jusqu’aux sommets d’où nous pouvons, dans le tumulte des heures fugitives, interroger l’univers à des fins d’accommodation. Cet aspect de notre journée ne nous fait pas des conditions très propres aux méditations désintéressées de la philosophie. Il faut y arriver pourtant, car notre lot est de tenter des généralisations toujours plus hautes, si bien que la métaphysique hindoue, dans sa recherche des causes, n’a pas craint la tentation de dépasser son Dieu.

Le besoin d’anticiper sur la connaissance positive est ce qui nous a jetés, avant que nous n’ayons eu le temps d’observer, dans les redoutables futaies des énigmes de la cosmogonie en des temps où nous échappaient les premiers éléments du problème. Plus ou moins appuyées, les sensations du monde, correspondant aux premiers heurts du Moi, sont d’une spontanéité organique qui s’ébroue. De toutes parts, le Moi s’insère