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LES SYMBOLES

fameuse empreinte du pied du Bouddha (des bas-reliefs d’Amaravati) qui porte l’image du Swastika, de la Roue et du Triçula, fut d’abord la reproduction du pied de Vichnou[1].

La Roue est une dérivation de l’image discoïde du soleil, mais tardive nécessairement puisqu’il fallait, pour en arriver là, que quelque sorte de chariot roulant fût d’abord inventé. Si les fabricateurs du Swastika avaient connu la roue, ils n’auraient pas eu besoin de» leur croix à crochets pour exprimer la course de translation du soleil. La sensation du mouvement semble avoir précédé celle de l’objet que l’imagination peut seule immobiliser.

Aujourd’hui, le théorème d’une roue paraît simple. Le premier qui en conçut l’idée et la réalisa fut un grand bienfaiteur. Silencieusement, je lui ai parfois donné des pensées en voyant cahoter sur les chemins de l’Inde et les pistes de la Birmanie des intentions de roues disloquées, au menu trot des petites vaches bleues.

Il fallut un assez long temps pour que l’imagination d’un poète, en poursuite de métaphore, conçût l’assimilation du soleil, en son char, à l’homme tressautant sur les rouleaux d’un châssis sans ressorts. Et tout aussitôt, cependant, la Roue acquit l’inexprimable dignité qui l’appelait à la place d’honneur dans les temples où l’homme apporte le plus vif de ses poésies, de ses chants, de ses cérémonies pour ses propres satisfactions avant celles de sa Divinité.

je n’ai pas à rapprocher la roue, comme l’ont fait quelques symbolistes, du moulin à prières, application d’un mécanisme cultuel aux commodités de l’homme en ses rapports avec ses Dieux. Nos chrétiens en sont demeurés aux litanies. La Roue symbolique du monde est d’une tout autre compréhension. Elle ne tend à rien de moins qu’à reproduire la figure de l’astre en signe de participation humaine et même d’aide aux mouvements

    et massacrer tous les lettrés — tradition que, sans l’aide d’aucun missionnaire chinois, notre Église chrétienne a si bien recueillie. On compte en Chine 1450 ouvrages qui, tous, se donnent la joie aigüe d’expliquer le Yi-King d’autant de façons différentes.

  1. Symbole brahmanique de la présence réelle, transféré de Vichnou au Bouddha, comme on peut voir par divers monuments de l’Inde. Nous avons, de même, l’empreinte du pied du Bouddha à Ceylan (Pic d’Adam) comme de saint Paul au rocher de l’Aréopage.