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CONNAÎTRE

qui départagera les deux tendances contraires pour en composer une moyenne d’évolution héréditaire en direction d’un accroissement humain ? L’expérience prononcera, pour des temps de passages. Cependant, les mouvements liés de notre évolution progressive nous enseignent chaque jour qu’il est une marge éventuelle de doute, imposée par la relativité de nos connaissances positives aux formules ingénument absolues de l’imagination.

Doute philosophique.

« Qu’est-ce que la vérité ? » Quand cette question fut délibérément posée par Pilate à jésus, qui s’en disait porteur, l’Évangéliste ne dit pas que celui-ci ait tenté de faire une réponse. Jamais plus belle occasion d’une parole retentissante ne fut plus fâcheusement perdue[1]. Les mots vérité et erreur sont d’abstraction nécessaire pour les généralisations de la connaissance. Il faudrait seulement que nous puissions nous rendre compte de la valeur conventionnelle qui s’attache à ces figurations d’absolu où nous ne pouvons réaliser que des constructions de relativités. C’est pour nos chances de méprises en ce domaine, sous le couvert des plus grands mots, que tant de sang a été versé.

Non que des esprits supérieurs n’aient eu conscience de la vanité de nos affirmations dogmatiques. Mais comment aborder le problème en des temps où la formule même d’une autre interprétation ne pouvait se présenter aux contrôles d’une expérience indéterminée ? La première ressource des intelligences inquiètes fut, naturellement, d’une affirmation moins caractérisée. Une moindre certitude avait humainement fait place à la

  1. JÉSUS. — Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est pour la vérité écoute ma voix.

    PILATE. — Qu’est-ce que la vérité ? Et, quand il eut dit cela, il sortit…

    Saint JEAN.