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III

L’INCONNU

Le connu, l’inconnu expriment des états de mentalité humaine correspondant à des conditions de réalité objective. Disparaisse l’homme, connu et inconnu n’auront plus de sens.

Notre besoin de connaître se plaît aux catégories. Mais il ne suffit pas de classer pour connaître. Il faut encore que le classement corresponde à des coordinations d’objectivité. L’univers étant tout d’enchaînements infrangibles, il n’y a, il ne peut y avoir de commencement ni de fin en aucun point que ce soit. Aussi, notre connaissance des rapports n’est-elle que de jointures aux apparences d’achèvements, dans tous mouvements d’infinité. Si nous pouvions pénétrer tous les rapports des phénomènes, nous ne trouverions plus de phénomènes à déterminer.

Les distinctions de notre connu et de notre inconnu n’ont pour objet que d’exprimer des mouvements d’infini à la mesure de nos relativités. Par quels moyens et de quelle autorité concevoir et exprimer, dans l’infinité, un bloc d’inconnaissable à l’extrême mesure de nos relativités ? Où prendre le rapport de l’objectivité sans limite aux lignes mouvantes de notre subjectivité dont le caractère est d’une évolution qui ne se peut anticiper ? Le connu, l’inconnu s’entremêlent en nous à toute heure, selon les évolutions du monde aussi bien que de nos relativités. Encore, ces diversités mêmes, nous arrive-t-il de les accroître, de les dénaturer même trop souvent de méconnaissances fragmentaires ou généralisées. Aux confusions de ces rencontres, ajoutez les troubles d’émotivité propres à susciter, à renforcer toutes déviations d’entendement. Et comme nous ne saisissons que des successions d’images reliées les unes aux autres par des activités de coordinations, on comprend assez qu’il y ait