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CONNAÎTRE

— l’œuvre scientifique étant toujours de chercher le passage d’une observation à une autre. Les imaginatifs se targuent de procéder au delà de notre relativité. Ils reconstruisent l’homme, en effet, aux proportions de leur rêve et n’attendent plus, pour faire vivre leur automate, que l’invérifiable illumination de la mort. C’est le miracle des idées innées ou de l’intuition qui animera la marionnette éthérée. L’hypothèse des idées innées qui ne correspond à aucun phénomène d’expérience, l'intuition qui suppose le sujet éclairant de ses brumes l’obscurité des choses. C’est sur les produits d’une sublimation verbale qu’on prétend régler les mouvements de notre organisme, pour asservir nos relativités à la domination de l’insaisissable absolu, triomphe de l’invérifiable sur nos vérifications d’humanité.

Il n’en pouvait être autrement dès qu’on partait du principe de l’homme à connaître, pour en déduire les formules de l’univers connu alors que l’observation élémentaire nous condamne à procéder de l’univers à l’homme qui en est le produit. Toujours l’interversion de la cause à l’effet. Il faut bien s’y résoudre quand on commence par conclure avant d’observer. En fait, les rapports de coordination entre l’ordre mondial, dont nous sommes un chaînon, et notre évolution mentale de sensations ou d’imaginations vérifiées, ne laissent pas d’intervalle où insérer le grand miracle du Moi divinisé. « Esprit », « âme », « flamme divine », « souffle d’éternité », hypothèses d’hypothèses qui nous font des directions de vie hors des réalités ! Cependant, mis en sa place dans l’enchaînement universel, le phénomène organique d’un état de connaissance découvre ses proportions naturelles et se développe selon les lois d’un organisme déter- miné.

Où nous conduisent les déterminations de la connaissance ? À nous comprendre nous-mêmes, à nous saisir dans les évolutions de nos rapports pour la meilleure utilisation de nos puissances de vivre, accrues selon les composantes de nos énergies ordonnées. Les directions des activités de l’homme, fixées dans le cadre de ses origines et de ses développements, l’engagent dans les voies d’un devenir dont les chances sont l’œuvre des conjugaisons organiques de son entendement.

L’ancêtre animal a subi le sort par les tâtonnements d’un empirisme de primitives lumières. Dès les premiers essais de