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CONNAÎTRE

de cohérence aboutit à l’institution d’une personnalité commençante qu’une gymnastique de réflexes pourra développer. De même pour l’enfant, dont les manifestations de gestes et de cris procèdent jusqu’aux premières trouvailles de l’onomatopée qui cédera la place plus tard à l’articulation. Identité des évolutions respectives jusqu’au point où, l’insuffisance de l’un cédant à l’ambition de l’autre, les puissances d’émotivité détermineront le destin. L’animal peut moduler des sons, non les articuler comme l’humain. Par ces modulations, susceptibles d’exprimer des formes d’émotions dominantes, il saura trouver des nuances d’interprétations communicatives. Ainsi l’enfant, de mille manières, s’ingénie en des rythmes de sonorités pour dire des sentiments, et provoquer les répliques dont il a besoin.

L’animal pourra compléter ses modulations par des chants[1], et l’on sait quels thèmes d’expression musicale les oiseaux en peuvent tirer. La musique et la parole articulée sont deux merveilleux moyens d’expression, l’un moins précis, mais évoquant les plus hautes résonnances d’émotivité ; l’autre, plus rigide, mais formateur de pensées par les complexes de sensations détachés de l’ensemble pour les rapprochements qui feront l’idée. La connaissance ne pourra se déterminer nettement par la musique ; Le sentiment ne pourra se développer aussi complètement par la parole que par la musique dont les subtiles nuances feront notre enchantement. L’alliance de la musique et de la parole articulée saura nous conduire au plus bel achèvement d’émotions d’art que l’homme puisse rêver.

Cependant demeurerons-nous devant l’alouette, le rossignol ou la fauvette, dans l’état d’incompréhension analogue à celui de créatures humaines qui, faute du même « parler », ne sauraient pas plus s’entendre qu’interpréter ce que l’oiseau exprime abondamment en son langage. Le perroquet, l’étourneau, le bouvreuil, reproduisent nos voix articulées sans y attacher aucun sens[2], mus par le simple besoin d’imitation qui est à la racine

  1. La note, si finement nuancée, du crapaud gradue musicalement tous passages d’émotivité, tandis que la paisible grenouille se répand en des discordances, qui n’en ont probablement pas moins de signification.
  2. Encore n’est-ce pas certain. J’ai connu, dans mon village natal, un bouvreuil qui, lorsqu’on entrait dans l’appentis du sabotier, son maître, disait et répétait en sautillant : « Y a quêqu’un dans la boutique. » Il y avait certainement