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AU SOIR DE LA PENSÉE

transmettre « impeccable » de génération en génération, pour se trouver trop souvent en défaillance des promesses clamées ? En tous temps, en tous lieux, les vérités absolues ne nous donnent que des satisfactions de mots. Et les vérités relatives sont d’un appareil si modeste, au regard de l’infinité, que nous n’en osons pas attendre les prodiges de lumières dans l’expectative desquels nous avons vécu et prétendons continuer de vivre.

Y a-t-il un fil d’Ariane dans les confusions de teneurs et d’espérances de ce labyrinthe ? Où le prendre ? Toujours nous avons cru le tenir. Toujours nous l’avons vu se rompre dans nos mains désemparées. Est-ce donc la fatalité de notre condition humaine ? Ou bien se peut-il concevoir que, trahis par nos évocations d’absolu, nous regrettions de ne rencontrer que des coordinations de relativités, qui, sans autre magie que de s’offrir, nous orientent vers des interprétations vérifiées des mouvements de l’univers d’hier à l’univers d’aujourd’hui commandant ceux de demain ?

Une fermeté de cœur, plus que d’intelligence, se trouve d’abord requise pour choisir. Qui ne se sent pas digne de l’entreprise y renonce, au risque de s’affaler. Qui ne demande de l’homme que la beauté d’un effort de compréhension ose porter une main de prudence et de témérité confondues sur les plis mystérieux du voile d’Isis à soulever. De pénibles labeurs au jour le jour, trop aisément déconcertés, des axiomes d’héréditaire ignorance, des candeurs primitives survivant à leur caducité, de sanglants conflits séculairement perpétués pour des glissements de connaissances : voilà ce qui attend l’audacieux. Une vie d’épreuves toujours renaissantes, qui pourrait être adoucie par l’anticipation d’un éternel repos. Fata viam invenient !


De l’homme au monde, ou du monde à l’homme ?


À remonter le cours des atavismes, on s’aperçoit bien vite que les problèmes du monde et de l’homme n’ont pu s’offrir à nos lointains aïeux dans les conditions et avec les précisions