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AU SOIR DE LA PENSÉE

vités organiques dont notre commutateur cérébral détermine l’enchaînement. La cohérence des phénomènes organiques et de leurs produits de mentalité parurent longtemps d’une objectivité si redoutable que Descartes, pour y échapper, versa douloureusement dans un machinisme enfantin qui ne pouvait affronter le débat. Tout ce qu’ose faire aujourd’hui le métaphysicien, c’est de fausser l’induction légitime ou de s’y dérober.

Ainsi que la loi biologique le commande, le développement intellectuel de l’enfant, jusqu’à sa première onomatopée, suit le même cours que la succession évolutive des mentalités animales. Des sensations s’enchaînent pour des indications ou même des précisions de besoins, de désirs, de volontés à satisfaire. Des relations s’établissent du geste ou de la voix monosyllabique à la satisfaction obtenue. Ainsi, des points de repère qui, s’accumulant, s’ordonnant, en viennent à jalonner la route par des relais de mémoire ou des passages d’analyse tentent de se fixer. Par là se déterminent des associations d’images plus ou moins confuses, pour des représentations plus ou moins obscures, plus ou moins précisées, et voilà l’opération intellectuelle en chemin. Car bientôt les gestes, les onomatopées, les cris de toutes nuances, exprimant toutes émotions des choses, vont se multiplier, se différencier, s’accentuer en une gamme infinie d’expressions graduées. Voyez les communes familiarités de l’animal domestique et de l’enfant, si prompts à se comprendre, sans être en état d’articuler.

Pourtant les divergences vont venir par l’écart des moyens d’exprimer. L’animal panse déductivement comme nous (la preuve en est inscrite dans tous ses actes), mais par des associations de repères en dehors des signes de langage qui, parce qu’elles sont en deçà des nôtres, ne le peuvent mener jusqu’à nous. Encore, cela dépend-il des données sensorielles qui se présentent pour l’accomplissement d’un dessein déterminé. Certaines espèces — comme je viens de dire — ont des sens qui nous sont étrangers, et, par conséquent, des moyens qui nous manquent. Cela n’est pas douteux. Avec toute notre science, nous serions bien embarrassés d’établir le parcours d’une hirondelle émigrante, comme de faire correctement un nid de loriot ou de chardonneret.

La détermination d’éléments agrégés en des achèvements