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CONNAÎTRE

Toujours l’imagination, toujours l’observation.

Connaître, ai-je dit, est une détermination de rapports. Mais que pourrions-nous faire de ces rapports s’ils demeuraient indépendants les uns des autres, si nous ne pouvions établir entre eux des rapprochements, des distinctions, d’où des vues d’enchaînements s’imposeront à toutes les intelligences ? C’est ce qu’on appelle, à proprement parler, le phénomène de la pensée qui consiste surtout en des classements de rapports[1] selon des lignes de forces qui se rapprochent ou divergent pour des jugements humains du monde et de ses formations.

Ainsi, connaître, penser, c’est classer. Classer par des inductions d’expérience, aidées de l’imagination, qui nous permettent de distinguer des états de phénomènes objectivement liés. D’où les causes fondamentales de la commune méprise qui nous conduit à reporter au dehors nos compartimentations de subjectivité pour en faire surgir plus tard d’insurmontables difficultés de réalisation. C’est ce que nous verrons, en abordant les problèmes de la biologie, lorsque se posera la fameuse question des « espèces », confondues en l’évolution, mais séparées, en apparence, par les cloisons subjectives de notre sensibilité.

Pour prendre d’avance position en des matières qui se trouveront plus tard développées, il faut, dès à présent, noter les modes de différenciations et de ressemblances où se fonde l’opération intellectuelle de nos classements. Affaire d’observation et d’imagination.

À y regarder de près, la sensation précède nécessairement l’observation qui suppose un effort d’attention : quelque chose comme une sensation appuyée. Sans doute la question demeure de savoir si, ou plutôt comment, le besoin peut avoir fait la fonction. L’action de la lumière sur tous les téguments est indéniable, depuis la première tache de pigment qui dévelop-

  1. Voyez les « catégories » d’Aristote.