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CONNAÎTRE

où des impuissances de connaître s’opposeront à des puissances d’aspirer.

J’entends dire que les nobles joies du savant ne pourront jamais être que le lot d’un petit nombre, et que, si l’on n’y prend garde, l’égoïste avidité de l’effort de connaître desséchera jusqu’aux profondeurs les sources d’heureuse (?) ignorance ou s’alimentent à miracle tous élans d’imagination. Plus nous saurions, semblerait-il ainsi, moins nous pourrions sentir, perdant ainsi-le plus beau de nous-mêmes, comme si sensation et connaissance ne se complétaient pas en nous au lieu de s’opposer. Qu’on se rassure. La courbe de son évolution continuera de déterminer les voies de l’homme tout entier. Assez longtemps nous restera-t-il une suffisante provision de nescience pour des troubles de sentimentalité. Nous n’avons point à redouter de trop connaître, et le jour ou se ralentirait notre ardeur d’investigation, nos émotions ne se trouveraient pas seulement compromises : ce serait la fin automatique de l’humanité.

Loin que soit en péril la pleine jouissance des organismes évolués, les deux voies conjuguées de la marche à l’infini — imagination, expérience — (c’est-à-dire ce que nous rêvons et ce que nous constatons) nous réservent assez d’heures d’une assez belle destinée. Çakya-Mouni, Jésus de Nazareth, François d’Assise n’étaient pas des savants. Ils ont valu par le sentiment, avant que fût venue l’heure de la connaissance ordonnée. En se réglant sur nos observations de l’univers, nos sentiments ne peuvent que s’achever en de plus hautes correspondances avec toutes formes d’expérience vérifiée.

La connaissance accrue ne nous conduira jamais qu’à mieux nous comprendre nous-mêmes, et à nous diriger plus sûrement. Heureuse loi qui nous grandit encore en proportion de ce que nous pouvons connaître, jusqu’à des développements d’entr’aide humaine dont les nobles aspirations ne manqueront jamais. Fénelon, prisonnier de ses rites (ignorés du Nazaréen), a trouvé le plus bel élan dans une allocution au duc de Chevreuse : « Soyez fidèle dans ce que vous connaissez pour mériter de connaître davantage. » Qu’aurait-il ajouté s’il avait pu connaître assez pour comprendre l’abolition de tout mérite personnel chez celui que sa méconnaissance du monde et de lui-même conduit à