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AU SOIR DE LA PENSÉE

observons, sur notre parcelle d’univers, les lois reconnues du Cosmos — étant donné que de nouvelles déterminations de l’énergie voudront de nouvelles constatations de rapports à consigner. Enfin, s’il y a des lois absolues des choses, je suis bien obligé de dire à M. Boutroux qu’il ne les connaît pas plus que moi.

Une dernière question serait de savoir s’il pourrait se rencontrer une loi de synthèse où aboutiraient les ajustements de tous les autres qu’elle résumerait en une formule d’ultimité. Le Dieu du panthéisme, exempt de personnalité. Une formule mathématiques à chercher peut-être par le calcul des probabilités, ou à ignorer placidement, si l’on a devant soi un travail plus pressé. Pour tout dire, l’orientation actuelle des esprits nous incline plutôt vers une conception unitaire de l’énergie cosmique. Il y aura toujours place pour assez d’X dans les marges de notre connaissance. Nous n’atteindrons aucune forme de l’infini. La fameuse aventure de « la dégradation de la matière » par « l’entropie », dont il sera parlé plus loin, avait engagé quelques esprits scientifiques dans d’assez graves contresens. « Le principe de Carnot, nous dit M. Henri Poincaré, nous montre que l’énergie — que rien ne peut détruire — est susceptible de se dissiper… Tout tend vers la « mort ». Cette "dissipation" est-elle nécessairement une "mort"  » ? Il fallut un long temps pour découvrir que la mort n’était qu’une transformation de la vie. Rien ne se perd dans le monde qui n’est que successions de mouvements. L’hypothèse d’un équilibre de « mort thermique » ne peut avoir pour elle que des esprits trop pressés de devancer la connaissance, sans attendre les vérifications d’hypothèses présentes et à venir. Une assez grave faute, quand on a devant soi tous les relais de l’éternité.