Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LES DIEUX, LES LOIS

destin de passer du rôle de persécuté à celui de persécuteur. Le Soleil-Roi, du malheureux Julien, avec ses anges et sa théurgie, ne furent que la dernière contre-offensive d’une conquête sans lendemain. Le christianisme vainqueur marchait triomphalement à ses pompeuses défaillances.


Le culte du foyer.


Par une inévitable nécessité, le culte du feu, dès les premiers âges, s’établit en maître au foyer domestique, autour duquel toute la vie familiale allait se développer. L’élan de la flamme sur l’autel vers l’astre souverain, était le naturel couronnement d’hommages pour tant de services rendus. Sur la pierre du foyer (Hestia, Vesta) les rites se présentaient à tous les moments de la vie, comme une précaution de pratique utilitaire.

Le feu ne devait pas mourir par la faute de l’homme. C’était un Dieu. Un Dieu à qui une reconnaissance permanente était due, un Dieu qu’on ne pouvait rappeler à la vie que par le rite primitif du bois mâle pénétrant, et du bois femelle pénétré[1]. Pas de foyer sans autel pour la perpétuation du feu sacré[2].

Chef du culte, à l’autel domestique, le père de famille est le pontife en permanence qui assure la stabilité du groupement familial. Cette fois, vraiment, le Dieu s’est réalisé non seulement parce qu’il se révèle en l’ardeur de son embrasement couronné de flammes vivantes, mais surtout parce qu’il suscite et maintient autour de lui la vie organisée des époux et de leurs enfants.

  1. Au Soudan, malgré une inondation d’allumettes japonaises, j’ai vu faire le feu par ce moyen. Aussi dans l’Inde.
  2. Pour l’hellénisme, la grande pierre de l’autel de Zeus sur les hauteurs, comme on la voit encore, à la Pnyx, n’est que l’emblème du foyer. De même, sans doute, pour les sacrifices d’Israël : tel le rocher du « Buisson ardent » de l’Horeb. Divinité en évolution de symbolisme, la pierre a trouvé place jusque dans l’Arche Sainte d’Israël, où la figuration écrite de la loi (Thorah) plus tard l’a remplacée. Deucalion et Pyrrha ne font rien qu’attester, après Kronos, et l’Omphalos delphien, dans le monde hellénique, la tradition des pierres animées