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DÉMOSTHÈNE

tions. Cicéron s’en est inspiré pour des effets de polémique meurtrière. Mais Démosthène ne faisait pas de polémique. Il canonnait. Il canonnait pour détruire d’abord les ouvrages les mieux dissimulés de l’ennemi. Il canonnait pour engager ses concitoyens en inaugurant la bataille, pour déjouer les trahisons, pour animer les défaillances, pour donner de son stoïcisme à ceux qu’il envoyait à l’ennemi.

Dans aucun pays, en aucun temps, il n’y a rien de comparable à cette œuvre, tant par la force et la persévérance de l’exécution que par la hardiesse délibérée de jeter tout un peuple ouvertement aux calamités de la guerre, afin de prévenir de plus grands malheurs : la perte de l’indépendance, l’abjection de la servitude, l’abdication d’une dignité haute de la vie.

Car Démosthène ne s’attarde point à aborder obliquement des difficultés qui pourraient faire hésiter tout autre. Non, il voit, il dit les choses comme elles sont, et ne mesure l’obstacle que pour y proportionner son élan. Il voudrait porter la guerre en Macédoine pour n’avoir pas à la repousser sous les murs d’Athènes. De bon ou de mauvais gré, un peuple peut se lancer émotivement dans la guerre. L’y maintenir par la rigueur d’un calcul de prudence imposant le détachement de soi-même, dans l’intérêt d’une cause supérieure, est