Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
121
DÉMOSTHÈNE

nages. L’océan d’inconnu guette sa proie désemparée, et cette proie ce sera nous aussi longtemps que nous n’aurons pas atteint les hauteurs d’où l’homme et ses agitations ne peuvent équitablement juger. Les mots ont des moments de gloire, payés de défaillances, où les hallucinations du passé laissent des apparences de lueurs. Puis les mots cèdent la place à d’autres et, sans l’enseignement des grands noms échappés du naufrage, il ne nous resterait trop souvent que poussière et vanité des vanités.

Les « hommes illustres » nous retiennent au passage, — d’autant plus impérieux qu’ils sont plus lointains, c’est-à-dire plus détachés du cadre de nos intérêts. Avec eux, les plus vives intelligences n’ont besoin que d’une accumulation de siècles pour se situer elles-mêmes dans la succession des âges et pénétrer chanceusement quelque chose des ressorts profonds de l’humanité. C’est ainsi qu’il suffit à Plutarque d’aligner des balancements de grandes vies pour nous révéler la Grèce et Rome, après l’oubli du Moyen Age. Celui-là pouvait voir de sa fenêtre le champ de bataille où la fortune de l’Hellénisme avait succombé. Et bien qu’il se trouvât fort au-dessus de la moyenne de son temps, nous ne voyons pas qu’il ait toujours compris le plus clair de ses propres leçons. Les événements de l’histoire, n’étant que ce que les font les