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DÉMOSTHÈNE

qui la civilisation, dont nous tirons gloire, a pu vivre, prospérer. Le malheur fut de l’imparfaite compréhension du peuple le plus compréhensif, de l’irrésolution du peuple le plus brave, des défaillances du peuple des plus surprenantes victoires, le plus fécond en supériorités comme en défaillances de pensée et d’action. Dans les violentes heures de son histoire tourmentée, la Grèce a tout connu ; des bonds sublimes aux chutes affreuses d’un peuple qui expie sa grandeur aux déceptions d’un idéal qu’il voit proche et qu’il ne peut atteindre. Une coûteuse illusion, qu’on ne peut regretter cependant lorsqu’on compare les hautes infortunes aux basses médiocrités des peuples ou des hommes qui s’abandonnent avant d’avoir tenté.

L’histoire humaine est un phénomène planétaire dont l’homme peut racheter les naturelles misères par d’incomparables élans de grandeur, quels que soient les tourments de ses insuccès. Dites heureux, puisque le lot de tous est de souffrir, l’homme qui a peiné pour une noble cause, et plaignez quiconque, n’ayant rien cherché au delà de lui-même, n’a connu que les cendres d’une vie d’égoïsme vainement consumée. La seule leçon déterminante est de l’exemple. Peut-être faut-il moins s’attacher au résultat fugitif d’une journée qu’à la solide joie du sacrifice sans récompense, même si l’on s’est trompé. Les annales