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son académie obtinrent la permission de faire, avec Emily et moi, une partie de plaisir dans une maison de campagne située au bord de la Tamise, dans le comté de Surrey[1] et qui leur appartenait.

Toutes choses arrangées, nous partîmes une après-midi pour le rendez-vous et nous arrivâmes sur les quatre heures. Nous mîmes pied à terre près d’un pavillon propre et galant, où nous fûmes introduites par nos cavaliers et rafraîchies d’une collation délicate, dont la joie, la fraîcheur de l’onde et la politesse marquée de nos galants rehaussaient le prix.

Après le thé, nous fîmes un tour au jardin, et l’air étant fort chaud mon cavalier proposa, avec sa franchise ordinaire, de prendre ensemble un bain, dans une petite baie de la rivière, auprès du pavillon, où personne ne pouvait nous voir ni nous distraire.

Emily, qui ne refusait jamais rien, et moi, qui aimais le bain à la folie, acceptâmes la proposition avec plaisir. Nous retournâmes donc d’abord au pavillon qui, par une porte, répondait à une tente dressée sur l’eau, de façon qu’elle nous garantissait de l’ardeur du soleil et des regards des indiscrets. La tenture, en toile brochée, figurait un fourré de bois sauvage, depuis le haut jusqu’aux bas côtés, lesquels, de la même étoffe, représentaient des pilastres cannelés avec leurs espaces remplis de vases de fleurs, le tout faisant à l’œil un charmant effet de quelque côté qu’on se tournât.

Il y avait autant d’eau qu’il en fallait pour se baigner à l’aise ; mais autour de la tente, on avait pratiqué des endroits secs pour s’habiller ou enfin pour d’autres usages que le bain n’exige pas. Là se trouvait une table chargée de

  1. Banlieue sud-ouest de Londres, rive droite de la Tamise.