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J’avais passé un mois dans l’inaction, aimée de mes compagnes et chérie de leurs galants, dont j’éludais toujours les poursuites (je dois dire ici que ceci ne s’applique pas au baronnet qui était bientôt parti emmenant Harriett), lorsque, passant un jour, à cinq heures du soir, chez une fruitière dans Covent-Garden, j’eus l’aventure suivante.

Tandis que je choisissais quelques fruits dont j’avais besoin, je remarquai que j’étais suivie par un jeune gentleman habillé très richement, mais qui, au reste, n’avait rien de remarquable, étant d’une figure fort exténuée et fort pâle de visage. Après m’avoir contemplée quelque temps, il s’approcha du panier où j’étais et fit semblant de marchander quelques fruits. Comme j’avais un air modeste et que je gardais le décorum le plus honnête, il ne put soupçonner la condition dont j’étais. Il me parla enfin, ce qui jeta un rouge apparent de pudeur sur mes joues, et je répondis si sottement à ses demandes qu’il lui fut plus que jamais impossible de juger de la vérité ; ce qui fait bien voir qu’il y a une sorte de prévention dans l’homme, qui, lorsqu’il ne juge que par les premières idées, le mène souvent d’erreur en erreur, sans que sa grande sagesse s’en aperçoive. Parmi les questions qu’il me fit, il me demanda si j’étais mariée. Je répondis que j’étais trop jeune pour y penser encore. Quant à mon âge, je jugeai ne devoir me donner que dix-sept ans. Pour ce qui regardait ma condition, je lui dis que j’avais été à Preston, dans une boutique de modes, et que présentement j’exerçais le même métier à Londres. Après qu’il eut satisfait avec adresse, comme il le pensait, à sa curiosité et qu’il eut appris mon nom et ma demeure, il me chargea des fruits les plus rares qu’il put trouver et partit fort content, sans doute, de cette heureuse rencontre.

Dès que je fus arrivée à la maison, je fis part à Mme Cole