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assez agréable, n’ayant alors qu’environ dix-huit ans. Mes seins, ce qui dans l’état de nudité est une chose essentielle, n’avaient alors rien de plus qu’une gracieuse plénitude, ils conservaient une fermeté, une indépendance du corset ou de tout autre support qui incitait à les palper. J’étais d’une taille grande et déliée, sans être dépourvue d’une chair nécessaire. Je n’avais point abandonné tellement la pudeur naturelle, que je ne souffrisse une horrible confusion de me voir dans cet état ; mais la bande joyeuse m’entoura et, me comblant de mille politesses et de témoignages d’admiration, ne me donna pas le temps d’y réfléchir beaucoup ; j’étais trop orgueilleuse, d’ailleurs, d’avoir été honorée de l’approbation des connaisseurs.

Après que mon galant eut satisfait sa curiosité et celle de la compagnie, en me plaçant de mille manières, la petitesse du point capital me faisant passer pour une vierge, mes précédentes aventures n’avaient fait là qu’une brèche insignifiante. Les traces d’une trop grande distension étaient vite disparues à mon âge et puis la nature m’avait faite étroite. Mon antagoniste, animé d’une noble fureur, défit tout à coup ses habits, jeta bas sa chemise et resta nu, exposant au grand jour mon ennemi. Il était d’une grandeur médiocre, préférable à cette taille gigantesque qui dénote ordinairement une défaillance prématurée. Collé contre mon sein, il fit entrer son idole dans la niche. Alors, fixé sur le pivot je jetai mes bras autour de son cou et nous fîmes trois fois le tour du sopha sans nous quitter. M’y ayant déposée, il commença à moudre du blé et nous atteignîmes bientôt la période délicieuse, mais comme mon feu n’était éteint qu’à demi, je tâchai de recommencer ; mon antagoniste me seconda si bien que nous nous plongeâmes dans une mer de délices. Me rappelant alors les scènes dont j’avais été spectatrice et celle que je représentais moi-même