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gination, à votre sensibilité, pour l’agréable tâche d’y porter remède là où mes descriptions faiblissent ou manquent de coloris : l’une vous mettra instantanément sous les yeux les tableaux que je vous présente, l’autre donnera de la vie aux couleurs ternes ou affaiblies par un trop fréquent usage.

Ce que vous me dites, par manière d’encouragement, de l’extrême difficulté d’écrire un si long récit dans un style tempéré avec goût, aussi éloigné du cynisme d’expressions grossières et vulgaires que du ridicule de métaphores affectées et de circonlocutions alambiquées est non moins raisonnable que bienveillant : vous justifiez ainsi, dans une grande mesure, ma complaisance pour une curiosité qui ne saurait être satisfaite qu’à mes dépens.

Je reviens maintenant au point où j’en étais en terminant ma précédente lettre. La soirée était assez avancée lorsque j’arrivai à mon nouveau logement, et Mme Cole, après m’avoir aidée à ranger mes affaires, passa tout le reste du temps avec moi dans mon appartement où nous soupâmes ensemble. Elle me donna alors d’excellents avis et instructions concernant cette nouvelle phase de ma profession où j’entrais maintenant : de prêtresse privée de Vénus, j’allais devenir publique ; il fallait me perfectionner en conséquence et m’entourer de tout ce qui pouvait faire valoir ma personne, soit pour l’intérêt soit pour le plaisir, soit pour les deux ensemble. « Mais alors, » ajouta-t-elle, « comme j’étais une nouvelle figure dans la ville, c’était une règle établie, un secret du commerce, de me faire passer pour une pucelle et de me présenter comme telle à la première bonne occasion, sans préjudice, bien entendu, des distractions que je pourrais rencontrer dans l’intérim, car il n’y avait personne qui détestât plus qu’elle de perdre du temps. Elle ferait de son mieux pour me trouver le client et se chargerait de diriger