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Charles et croyaient qu’il leur amenait quelqu’un à plumer, le reçurent avec toutes les démonstrations de civilité requises en pareil cas ; mais elles changèrent bientôt de ton lorsque l’avocat, d’un air austère, déclara qu’il voulait parler à la vieille, avec laquelle il disait avoir une affaire à régler.

Suivant sa requête, Madame parut et les demoiselles se retirèrent. Aussitôt l’homme de loi lui demanda si elle n’avait pas connu, ou, pour mieux dire, trompé une jeune fille, nommé Fanny Hill, sous prétexte de la louer en qualité de servante. La Brown, dont la conscience n’était pas des plus nettes, fut effrayée à cette question inattendue et surtout quand les termes de justice de paix newgate, de old Bayley[1] de pilori, de fouet, de poursuite pour tenue d’une maison mal famée, de promenade en tombereau, etc., frappèrent son oreille. Enfin, pour abréger l’histoire, elle crut en être quitte à bon marché en leur remettant en main ma boîte et mes petits effets, non sans leur offrir gratuitement un bol de punch avec le choix de ce qu’il y avait de plus attrayant dans le logis. Mais ils refusèrent ces gracieusetés.

Charles, enchanté d’avoir terminé si heureusement ce procès, revint entre mes bras recevoir la récompense des peines qu’il s’était données.

Nous passâmes encore une dizaine de jours à Chelsea et ensuite il me loua un appartement garni, composé de deux chambres et d’un cabinet moyennant une demi-guinée par semaine et situé dans D…-Street, quartier de Saint-James[2]. La maîtresse du logis, Mistress Jones, nous y reçut, et, avec une grande volubilité de langue étonnante, nous en expliqua toutes les commodités. Elle nous dit « que la servante nous

  1. Prisons de Londres.
  2. Quartier où se trouve le Palais du Roi, dans le West-End de Londres.