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par une section à peine perceptible qui semblait fuir par modestie et se cachait entre deux cuisses potelées et charnues ; une riche fourrure de zibeline la recouvrait ; en un mot, Polly était un vrai modèle de peintre et le triomphe des nudités. Le jeune Italien (encore en chemise) ne pouvait se lasser de la contempler ; ses mains, aussi avides que ses yeux, la parcouraient en tous sens. En même temps, le gonflement de sa chemise faisait juger de la condition des choses qu’on ne voyait pas : mais il les montra bientôt dans tout leur brillant, en se dépouillant à son tour du linge qui les cachait. Ce jeune étranger pouvait avoir alors environ vingt-deux ans ; il était grand, bien fait, taillé en hercule, et, sans être beau, d’une figure fort avenante. Son nez inclinait du Romain, ses grands yeux étaient noirs et brillants et sur ses joues un incarnat paraissait qui avait bien sa grâce ; car il était de complexion très brune, non de cette couleur foncée et sombre qui exclut l’idée de fraîcheur, mais de ce teint clair d’un luisant olivâtre qui dénote la vie dans toute sa puissance et qui, s’il éblouit moins que la blancheur, plaît cependant davantage, lorsqu’il lui arrive de plaire. Ses cheveux, trop courts pour être noués, tombaient sur son cou en boucles petites et légères ; aux environs des seins apparaissaient quelques brindilles d’une végétation qui ornait sa poitrine, indice de force et de virilité. Son compagnon sortait avec pompe d’un taillis frisé ; ses dimensions me firent frissonner de crainte pour la tendre petite partie qui allait souffrir ses brusques assauts ; car il avait déjà jeté la victime sur le lit et l’avait placée de façon que je voyais tout à mon aise le centre délectable, dont le pinceau du Guide[1] n’aurait pu imiter le coloris vermeil.

  1. Il faut noter que les traducteurs français du XVIII° siècle ont toujours remplacé ici le nom du Guide par celui de Rubens.