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être confiée à ses soins, et, suivant ce plan, on était convenu que nous coucherions ensemble.

Ici je subis un nouvel examen de la part de Miss Phœbe Ayres, ma tutrice, qui eut la bonté de me trouver aussi de son goût. J’eus l’honneur de dîner entre ces deux dames, dont les attentions et les empressements alternatifs me ravissaient l’âme, et, simple que j’étais, je ne cessais d’appeler Mistress Brown Sa Seigneurie.

Il fut arrêté que je garderais la chambre pendant qu’on me ferait des habits convenables à l’état que je devais tenir auprès de ma maîtresse ; mais ce n’était qu’un prétexte. Mistress Brown ne voulait pas que personne de ses clients ou de ses biches, comme elle appelait les filles de sa maison, me vît jusqu’à ce qu’elle eût trouvé acheteur, pour ma virginité, trésor que, selon toute apparence, j’avais apporté au service de Sa Seigneurie.

Depuis le dîner jusqu’au soir, il ne se passa rien qui mérite d’être rapporté. Après souper, l’heure de la retraite étant arrivée, nous montâmes chacune à notre appartement. Miss Phœbe, qui s’aperçut que j’avais de la honte à me déshabiller en sa présence, m’enleva dans la minute mouchoir de cou, robe et cotillons. Alors, rougissant de me voir ainsi nue, je me fourrai comme un éclair entre les draps, où la commère ne tarda pas à me suivre en riant aux éclats.

Phœbe avait environ vingt-cinq ans et en paraissait dix de plus par ses longs et fatigants services et l’usage des eaux chaudes ; ce qui l’avait réduite au métier d’appareilleuse avant le temps.

L’égrillarde ne fut pas plus tôt à mon côté qu’elle m’embrassa avec une ardeur incroyable. Je trouvai ce manège aussi nouveau que bizarre ; mais l’imputant à la seule amitié, je lui rendis de la meilleure foi et le plus innocemment du monde baisers pour baisers. Encouragée par ce