Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

« — Je n’étais pas à Londres, me dit-elle, je suis revenue de Bath aujourd’hui.

« Je me loue du bonheur que j’avais de l’avoir rencontrée, je couvre ses mains de baisers, j’ose lui en donner un sur la joue, et, ne trouvant, au lieu de résistance, que la douceur et le sourire de l’amour, je colle mes lèvres sur les siennes et, sentant la réciprocité, je m’enhardis et bientôt je lui ai donné la marque la plus évidente de l’ardeur qu’elle m’avait inspirée.

« Me flattant que je ne lui avais pas déplu, tant je l’avais trouvée douce et facile, je la suppliai de me dire où je pourrais aller pour lui. faire une cour assidue pendant tout le temps que je comptais passer à Londres ; mais elle me dit : « Nous nous reverrons encore et soyez discret. » Je le lui jurai et ne la pressai pas. L’instant d’après la voiture s’arrête, je lui baise la main et me voilà chez moi fort satisfait de cette bonne fortune.

« Je passai quinze jours sans la revoir, lorsqu’enfin je la retrouvai dans une maison où lady Harington m’avait dit d’aller me présenter à la maîtresse de sa part. C’était une lady Betty Germen, vieille femme illustre. Elle n’était pas au logis, mais elle devait rentrer en peu de temps et je fus introduit au salon pour l’attendre. Je fus agréablement surpris en y. apercevant ma belle conductrice du Ranelagh, occupée à lire, une gazette. Il me vint dans l’esprit de la prier de me présenter. Je m’avance vers elle et à la question que je lui fais, si elle voudrait bien être mon introductrice, elle répond d’un air poli qu’elle ne pouvait pas, n’ayant pas l’honneur de me connaître.

« — Je vous ai dit mon nom, madame, est-ce que vous ne me remettez pas ?

« — Je vous remets fort bien, mais une folie n’est pas un titre de connaissance.