Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

examiner si elle dormait ; elle retournait ensuite auprès de son compère ; elle jasait avec lui ; leur conversation devenait alors si vive, si animée, elle était tellement accompagnée d’exclamations divines que Miss Butler, curieuse d’entendre leur baragouinage, auquel son jeune cœur prenait déjà part, sans en connaître encore le véritable sens, se levait doucement, s’approchait sur la pointe du pied de la cloison, approchait son oreille de la muraille planchéiée, afin d’entendre plus distinctement le sujet sur lequel ils se disputaient avec tant d’ardeur ; elle enrageait de ne rien voir et de ne pouvoir pas bien comprendre l’agitation dont ils étaient animés ; les mots entrecoupés, joints aux soupirs poussés de part et d’autre pendant l’intervalle de ces exclamations, portaient dans ses sens un feu brûlant dont elle cherchait à se rendre compte. Chaque soir, la même scène se répétait, et Miss Butler n’était pas plus instruite. Ne pouvant résister plus longtemps au désir de connaître particulièrement ce qui se passait entre sa mère et son parrain, elle fit un trou imperceptible à la muraille ; elle découvrit alors le motif de leurs ébats et de leurs vives agitations ;. elle soupira, elle envia la jouissance d’une pareille conversation. Le surlendemain de sa découverte (elle entrait alors dans sa seizième année), sa mère lui dit qu’elle ne rentrerait que le soir et lui. recommanda d’avoir bien soin de la maison. M. James vint dans la matinée de ce jour pour voir sa commère ; Miss Butler lui dit que sa mère ne serait pas au logement de la journée ; elle l’engagea à se reposer, elle lui fit mille prévenances dont il fut enchanté. Le rusé parrain, qui depuis quelque temps convoitait les appas naissants de sa filleule et qui cherchait l’occasion de les admirer de plus près, la complimenta d’abord sur ses charmes ; il la prit en badinant sur ses genoux, il la serra avec transport entre ses bras, il l’accabla de mille baisers qu’elle lui rendit avec la