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mon côté dans un état ſi raviſſant, que j’étois effrayée de mon bonheur, & tremblois que ce ne fût un ſonge. Cependant je l’embraſſois avec une fureur extrême, je le ſerrois de toutes mes forces, comme pour l’empêcher de m’échapper de nouveau. “ Où avez-vous été (m’écriois-je ?)… comment… comment pûtes-vous m’abandonner ?… êtes-vous toujours mon amant ?… m’aimez-vous toujours ?… oui, cruel je vous pardonne toutes les peines que j’ai ſouffertes pour vous, en faveur de votre retour ”. Le déſordre de nos queſtions & de nos réponſes, le trouble, la confuſion de nos diſcours étoient d’autant plus éloquens, qu’ils partoient du cœur, & que le ſeul ſentiment nous les dictoit.

Tandis que nous étions plongés dans cette délicieuſe ivreſſe, que nos ames étoient abſorbées dans la joie, l’hôteſſe apporta des hardes à Charles ;