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du génie à la guerre.

et des montagnes, conserver sans cesse le sentiment topographique même du terrain. Il est vrai que, pour l’ensemble, il dispose de nombreux renseignements, de cartes, de livres et de mémoires, et que, pour le détail, son entourage lui est d’un grand secours ; mais il n’en est pas moins certain que, si son aptitude propre et son expérience le mettent à même de se rendre promptement et clairement compte de la constitution de la contrée, cela communique aussitôt plus d’indépendance à son action et diminue beaucoup son hésitation dans les décisions à prendre en cas douteux.

Nous en aurons fini de ce que nous avions à dire du sentiment du terrain, quand nous aurons ajouté que, s’il convient d’attribuer cette aptitude à l’imagination, c’est là, du moins, l’unique service que l’on ait à attendre de cette divinité capricieuse qui, sous tous les autres rapports, présente plus de danger que d’utilité à la guerre.


Nous croyons avoir ainsi passé en revue toutes les grandes qualités de l’esprit et du cœur que l’activité guerrière exige de la nature humaine. On voit que partout la coopération de l’intelligence est indispensable, ce qui explique enfin que, malgré la simplicité de son action et le peu de complication de ses phénomènes, la guerre ne puisse être dirigée avec distinction que par des gens d’intelligence supérieure.

S’il nous a bien compris, le lecteur ne considérera donc plus désormais comme une action glorieuse le simple fait de tourner la position de l’ennemi, et cent autres combinaisons du même ordre dont on trouve de si fréquents exemples dans l’histoire des guerres.

Bien que ce ne soit pas sans quelque raison que l’on regarde habituellement le soldat de métier comme le contraire d’un esprit brillamment cultivé, ingénieux et

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