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du génie à la guerre.

partie, que son zèle le plus grand et sa plus extrême activité ne lui permettent pas toujours de reconnaître, et avec lesquels, par suite du changement constant des situations, il n’arrive que rarement à se familiariser. D’une façon spéculative, il est vrai, de part et d’autre on se trouve dans les mêmes conditions, mais tout d’abord de ce que la difficulté est égale il ne s’ensuit pas qu’elle soit moins grande, et par conséquent le talent et l’expérience auront toujours l’avantage à ce propos ; mais, en outre, cette égalité de la difficulté n’est que très générale et ne s’étend nullement au cas particulier, dans lequel, d’habitude, l’un des deux combattants, — celui qui est sur la défensive, — connaît bien mieux les conditions locales que l’autre.

Pour vaincre cette difficulté spéciale, il faut une faculté particulière de l’esprit que l’on désigne sous l’expression trop restreinte de sens du terrain et dont le résultat est manifestement un acte de l’imagination. Cette faculté consiste à se faire promptement une représentation géométrique assez exacte de la contrée et du sol, pour être toujours en situation de s’y retrouver facilement. Or il est vrai que la vue peut aider ici à l’intuition, et que l’intelligence lui prête aussi son concours en s’appuyant elle-même sur l’expérience et sur les données de la science pour deviner et reconstituer une partie de ce que l’on ne peut apercevoir, mais que l’on en arrive ainsi cependant à une perception intérieure nette et persistante comme une image et dont les traits isolés ne s’écartent jamais les uns des autres, on ne le peut raisonnablement attribuer qu’à cette force de l’esprit que l’on appelle l’imagination.

Le poète et le peintre de génie vont sans doute hausser les épaules et sourire de pitié en nous entendant réduire à ce point le rôle de leur divinité et prétendre que, pour être un bon valet de vénerie par exemple, il soit