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de la nature de la guerre.

caractère et de l’intelligence qui sont indispensables pour diriger l’action avec distinction à la guerre, il en est une, très différente des précédentes en ce qu’elle est uniquement une faculté de l’instinct et ne dépend en rien de la force morale et du raisonnement, et qui n’en doit pas moins être considérée, sinon comme la plus importante, du moins comme la plus efficace entre toutes. Nous entendons parler ici de ce don particulier qui permet à l’esprit de se rendre compte du rapport qui existe entre la guerre et la contrée ou le sol sur lequel elle se poursuit.

Ce rapport est incessant, et l’on ne peut se représenter un acte de guerre quelconque des armées des peuples civilisés sans le rattacher à un espace déterminé. Il exerce l’influence la plus décisive sur toutes les opérations militaires, par la raison qu’il modifie et parfois même change entièrement l’action de toutes les forces. Enfin, d’un côté il s’étend aux plus vastes espaces, et de l’autre il contraint souvent à tenir compte des plus petites circonstances locales.

C’est ainsi que le rapport qui se présente entre la guerre et la contrée ou le sol sur lequel elle se poursuit imprime un caractère particulier à l’action militaire. Des autres industries que l’homme exerce, il en est un certain nombre, telles par exemple que les exploitations agricoles, minières et forestières, l’architecture, les constructions navales et la chasse, dans lesquelles des considérations de cette nature s’imposent également, mais, dans toutes du moins, les conditions d’espace sont assez restreintes pour qu’on puisse les apprécier promptement et avec une exactitude suffisante. À la guerre, au contraire, celui qui dirige l’action la doit étendre aussi loin qu’elle peut atteindre avec succès et, par conséquent, à des espaces dont son regard n’embrasse directement que la plus faible