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du génie à la guerre.

dire où la première finit et où commence la seconde, la différence entre les deux idées est cependant facile à déterminer.

L’obstination n’est pas un défaut de l’intelligence, car, s’il faut entendre par cette expression la résistance à une meilleure manière de voir, il y aurait contradiction à attribuer cette résistance au raisonnement qui ne doit normalement tendre qu’à la découverte de la vérité. L’obstination est un défaut de l’esprit. Cette inflexibilité de la volonté, cette irritabilité contre toute observation étrangère a sa base dans une sorte d’enivrement de soi-même qui porte l’homme à préférer à toute satisfaction celle de subordonner le jugement des autres et le sien propre à la seule autorité de son esprit. On pourrait dire de l’obstination qu’elle est une sorte de vanité, si elle n’était, en somme, d’un ordre un peu plus élevé ; la vanité, en effet, se contente de l’apparence, tandis que l’obstination entend réellement s’imposer.

La force de caractère disparaît et devient de l’obstination dès qu’on résiste à l’opinion des autres par esprit de contradiction, et non parce que l’on a foi dans la valeur d’un principe supérieur ou confiance en sa propre conviction. Cette définition, nous le reconnaissons, n’est d’aucune utilité pratique, mais elle empêchera du moins de considérer l’obstination comme une simple exagération de la force de caractère. Bien que ces deux aptitudes soient voisines et aient entre elles certains points de contact, elles sont cependant de natures essentiellement différentes, et l’on rencontre même des hommes très obstinés qui, en raison du peu d’étendue de leur intelligence, ne sont doués que de peu d’énergie morale.


Indépendamment de ces qualités supérieures du