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de la nature de la guerre.

changement continuel des situations, la maintenir dans la voie primitivement choisie. La difficulté consiste précisément ici à rester fidèle à l’opinion que de longues méditations ont tout d’abord fait accepter, sans se laisser entraîner par les inspirations sans nombre que suggèrent les apparitions et les phénomènes du moment présent. La distance est souvent considérable entre le cas particulier et le principe adopté, et le raisonnement ne parvient pas toujours à découvrir la série des rapports qu’il a à parcourir pour les rattacher l’un à l’autre. Il est alors nécessaire d’avoir une certaine confiance en soi, un certain scepticisme, et souvent même il ne reste d’autre ressource que de recourir à l’emploi d’un moyen empirique absolument indépendant du raisonnement, mais auquel celui-ci doit néanmoins se soumettre, et qui consiste à persévérer dans l’opinion que l’on s’est tout d’abord formée, et à ne l’abandonner, dans tous les cas douteux, que lorsque l’on a acquis la conviction formelle qu’il convient de le faire. Il faut être fort dans la foi que l’on accorde à des principes éprouvés, et, dans la vivacité des apparences du moment, ne pas oublier que ce que ces apparences semblent promettre n’est pas marqué au même coin de vérité. En restant ainsi fidèle à sa conviction première et en lui donnant la préférence dans les cas douteux, on communique à l’action une consistance et une continuité qui sont le témoignage certain d’une grande force de caractère.

L’équilibre moral contribue puissamment à l’énergie du caractère, aussi la plupart des hommes qui possèdent une grande force d’âme ont-ils beaucoup de caractère.


La force de caractère nous conduit à l’obstination qui en est une dégénérescence.

Si, dans un cas donné, il est souvent très difficile de