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de la nature de la guerre.

fréquemment l’une pour l’autre, on ne saurait cependant méconnaître la différence essentielle qui les sépare. La fermeté peut, en effet, ne provenir uniquement que d’un mouvement de l’âme, tandis que la persévérance, par le fait seul que la prolongation d’une action est d’autant plus certaine que cette action est conçue, méditée et calculée d’avance, réclame déjà davantage l’appui du raisonnement et en tire même une partie considérable de sa propre force.


Voyons maintenant ce qu’il faut entendre par force d’âme ou de caractère.

L’expression elle-même indique qu’il ne s’agit ici ni de la violence du caractère ni de la fougue des passions.

Dans les émotions les plus violentes, dans l’assaut même des passions, rester maître de soi et se laisser guider par le raisonnement, telle est la caractéristique d’une âme vraiment puissante. Faut-il déduire de là que cette faculté procède uniquement de l’intelligence ? Nous ne le croyons pas. Le fait qu’il existe des gens de jugement distingué qui se laissent entraîner par leurs passions jusqu’à perdre toute autorité sur eux-mêmes ne prouverait rien il est vrai contre cette assertion, car on pourrait objecter qu’il s’agit moins ici de l’élévation même que de la direction particulière de l’intelligence ; mais nous pensons être plus près de la vérité en attribuant au caractère lui-même une aptitude toute spéciale à ce propos, aptitude qui, dans les natures puissantes, naît du sentiment de la dignité personnelle, de cette noble fierté, de ce besoin intime de l’âme qui porte l’homme à agir partout comme un être doué de pénétration d’esprit et d’intelligence, et en raison de laquelle il arrive, dans la plus grande excitation même de ses passions, à leur faire équilibre sans les détruire, et à les soumettre à l’autorité de son jugement. Nous dirons