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de la nature de la guerre.

exprimer ainsi, nous force, par suite, à avoir constamment l’esprit sous les armes.

Pour sortir victorieux de cette lutte incessante avec l’inconnu, il faut à l’esprit deux qualités indispensables. La première est ce que les Français appellent par métaphore le coup d’œil ; c’est une lumière intérieure qui, dans cette obscurité même, éclaire encore assez l’intelligence pour lui permettre de découvrir quelques vestiges de la voie qui la doit conduire à la vérité. La seconde est l’esprit de résolution qui donne l’énergie de se laisser guider par cette faible lueur.

Dans l’étude de la guerre ce sont naturellement les combats qui ont dès le principe et le plus fréquemment attiré l’attention des observateurs. Or comme, dans les combats, — et surtout dans ceux de la cavalerie qui, en raison de la rapidité des décisions qu’elle produit, a si longtemps joué le rôle principal dans les armées, — le temps et l’espace sont des éléments d’une extrême importance, on a tout d’abord été porté à ne déduire uniquement l’idée de résolution que de la prompte et saine estimation de ces deux facteurs. C’était réduire l’expression à son sens exclusivement matériel, mais, bien que maints professeurs d’art militaire s’en soient tenus à cette signification restreinte, on ne saurait méconnaître que bientôt elle s’est agrandie de toutes les résolutions normalement et judicieusement prises à l’instant même qui en précède l’exécution, telles par exemple que la détermination du moment et du point précis de l’attaque. Ce n’est donc pas seulement dans le sens de la vue physique, mais plus souvent encore dans celui de la vue intellectuelle qu’il faut comprendre l’expression de coup d’œil, et, bien que par l’idée qu’elle comporte elle soit naturellement plutôt du ressort de la tactique que de celui de la stratégie, elle convient parfaitement aussi à cette dernière dans laquelle