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de la nature de la guerre.

gale, le plus faible des deux n’aurait poursuivi qu’un vain rêve de son imagination si, pour arriver à son but, il eût tenté de renverser l’autre.

C’est en raison de la différence que nous avons constatée dans le chapitre précédent entre la guerre absolue et la guerre réelle, que le but logiquement déduit de la première n’est qu’exceptionnellement et non généralement applicable à la seconde. Si, dans son application par l’homme, la guerre devait rester ce qu’elle est dans son concept absolu, entre deux nations de puissance très inégale elle serait impossible, parce qu’elle constituerait une absurdité. Il faudrait alors, en effet, que l’inégalité des forces physiques se trouvât pour le moins compensée par la supériorité des forces morales, ce qui, dans l’état social actuel de l’Europe, ne serait guère réalisable. On doit donc reconnaître que si l’on a vu des guerres se produire entre des nations de forces très disproportionnées, cela tient uniquement à ce que, dans son application à la vie réelle, la guerre s’éloigne souvent beaucoup de son concept originel.

Dans la réalité deux facteurs, — l’invraisemblance du succès et le prix trop élevé qu’il coûterait, — peuvent se substituer, comme motifs de paix, à l’impossibilité de prolonger la résistance.

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que plus les rapports dont elle est sortie le lui permettent, ou, en d’autres termes, moins les motifs qui président à son action et les passions qui l’animent ont de puissance, et plus la guerre se soustrait aux lois rigoureuses de la nécessité et se soumet au calcul des probabilités. On comprend dès lors comment de ce calcul même, s’il est favorable, peuvent naître des motifs de paix. Dans ces conditions, en effet, il n’est plus nécessaire de continuer la lutte jusqu’à épuisement de l’un des adversaires, et l’on conçoit que, lorsque les motifs d’action