Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, IV.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
du but et du moyen à la guerre.

étant destinée à la protection du territoire, l’ordre naturel à suivre est de détruire d’abord celle-ci pour conquérir ensuite celui-là, et, ces deux résultats obtenus, de profiter de la prépondérance acquise et de la puissance et des moyens encore disponibles pour agir sur la volonté de l’adversaire et le contraindre à accepter la paix. En général la destruction de la force armée ne se produit que peu à peu, et l’occupation du territoire la suit pas à pas. D’habitude ces deux résultats marchent donc de pair et réagissent l’un sur l’autre, chaque nouvelle portion de territoire enlevée à l’ennemi augmentant encore l’épuisement de sa force armée. Cette progression n’est nullement indispensable cependant, aussi ne se présente-t-elle pas toujours. Il peut arriver, par exemple, que, avant d’être considérablement affaiblie, la force armée se retire dans les provinces les plus éloignées, voire même au delà de la frontière, laissant ainsi à l’envahisseur la libre disposition de la plus grande partie ou de la totalité du territoire.

Mais réduire l’adversaire à l’impossibilité de continuer à se défendre, ce but idéal de la guerre, ce procédé au résultat duquel tous les autres doivent concourir, ce moyen par excellence d’atteindre le but politique, on est loin de le pouvoir poursuivre d’une façon générale dans la réalité ; et, comme il ne constitue pas l’indispensable condition de la paix, la théorie ne saurait l’imposer comme une loi. Les exemples sont innombrables de guerres dans lesquelles la paix a été conclue sans que l’une des deux parties ait été réduite à l’impuissance, et fréquemment même avant que l’équilibre ait été rompu entre les deux adversaires. Bien plus, si l’on considère chaque guerre en son particulier, il faut reconnaître que, dans toutes celles où les belligérants se sont trouvés de puissance initiale très iné-