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de la nature de la guerre.

25. — Différence de nature des guerres.

Plus les motifs qui portent à la guerre ont d’élévation et de puissance, plus la situation politique qui la précède est tendue, plus l’existence des peuples qui y prennent part s’y trouve engagée, et plus la guerre elle-même se rapproche de sa forme abstraite, reprend de sa violence originelle, vise au renversement de l’adversaire, et se soustrait à l’autorité de la politique pour ne suivre que ses propres lois. Mais, par contre, plus les motifs qui président à la guerre et les tensions qui la précèdent sont faibles, et plus le but politique s’écarte de ce que serait le but idéal de la guerre, de sorte que, obligée de dévier elle-même de la direction qui lui est naturelle pour se conformer à celle qu’on lui impose, celle-ci perd de plus en plus son caractère propre et en arrive enfin à n’être exclusivement qu’un instrument de la politique.

Cependant, de peur que le lecteur ne s’égare ici dans de fausses suppositions, nous devons lui faire observer que nous n’entendons parler ainsi que de la tendance naturelle philosophique, ou, pour mieux dire logique de la guerre, et nullement du caractère qu’elle est susceptible de revêtir sous l’influence de la passion et de l’enthousiasme des forces armées qui y prennent part. Il est certain que, dans maintes circonstances, les combattants peuvent en arriver de part et d’autre à un degré d’exaltation tel qu’il ne permette pas de limiter leurs efforts aux exigences seules de la politique ; mais le fait ne saurait en général impliquer contradiction, par la raison qu’on ne peut se représenter de grands efforts à produire qu’en vue d’un but élevé à atteindre. Que le but soit restreint, au contraire, et les combattants se montreront sans enthousiasme, et, dès lors,