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de la nature de la guerre.

est le milieu dans lequel elle se poursuit, nous reconnaîtrons que le courage est manifestement la première et la plus essentielle des grandeurs morales qui doivent présider à sa direction. Or, bien que la prudence du calcul puisse s’allier au courage, ces deux qualités sont de natures absolument distinctes et ne s’impliquent nullement l’une l’autre, tandis que la hardiesse, l’audace, la témérité même du caractère, l’amour des aventures et la confiance dans le destin sont autant de manifestations du courage qui entraînent l’âme à la recherche de l’inconnu qui constitue leur milieu de prédilection.

On voit ainsi, tout d’abord, qu’on ne saurait baser sur des calculs d’art militaire la direction méthodique absolue à donner à une guerre, et que, une fois commencée, celle-ci se poursuit à travers un réseau d’éventualités, de probabilités et de bonnes et de mauvaises chances qui étend partout ses mailles, et qui en fait celle des activités humaines qui, par la forme, se rapproche le plus d’une partie de cartes.


22. — C’est dans cette forme que la guerre exerce en général le plus d’attrait sur l’esprit de l’homme.

Bien que la raison nous porte toujours à voir clair et à comprendre, l’inconnu exerce souvent sur nous un irrésistible attrait. Au lieu de suivre le jugement dans l’étroit sentier de la recherche philosophique et des conséquences logiques pour en arriver, à peine conscient de lui-même, à des régions où il se sent étranger et où tous les objets connus semblent l’abandonner, l’esprit préfère se laisser entraîner par la force de l’imagination et gagner à sa suite le domaine du hasard et de la fortune. L’homme se soustrait ainsi aux lois restreintes de la nécessité, l’avenir l’exalte par ses bril-