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de la nature de la guerre.

arriver même que deux nations des plus policées s’enflamment l’une contre l’autre des sentiments de la haine la plus passionnée.

On voit dans quelle erreur on tomberait si, se laissant aller à considérer la guerre entre les États civilisés comme un acte réfléchi des gouvernements, on se figurait qu’elle va sans cesse en se débarrassant de sa rudesse et de sa violence, et qu’elle en arrivera enfin un jour à ne plus faire aucun usage effectif des masses armées et à résoudre les conflits entre les nations par l’équation en quelque sorte algébrique de leurs rapports.

La théorie était déjà dans cette voie quand les événements des dernières guerres lui en révélèrent une meilleure.

Bien que la guerre soit un acte de la force, le calcul y joue nécessairement aussi son rôle. Elle n’en émane pas mais elle y ramène plus ou moins, et ce plus ou moins ne dépend pas du degré de civilisation des peuples, mais bien de l’importance et de la durée des intérêts en litige.

Si, dans l’état de civilisation, les peuples ne massacrent point les prisonniers, ne dévastent plus les campagnes et ne se livrent plus au pillage des villes, c’est que l’intelligence préside à la conduite de leurs guerres et met au service de leur force des moyens plus efficaces que ne le seraient les manifestations brutales de l’instinct.

La découverte de la poudre et le perfectionnement incessant des armes à feu suffiraient déjà seuls à montrer que les progrès de la civilisation n’enrayent et n’affaiblissent en rien la tendance à l’anéantissement de l’ennemi qui est inhérente à l’idée de la guerre.

Nous répétons donc notre proposition : la guerre est un acte violent dans lequel l’emploi de la force étant