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de la théorie de la guerre.

imaginés, et qu’on ne craint pas de leur emprunter pour s’en servir, à tout propos, sans rime ni raison. Des nombreux individus qui se mêlent de faire de la critique, sans avoir cependant fait choix d’un système, — soit parce qu’il n’en est pas qui leur plaise, soit parce qu’ils n’en connaissent aucun à fond, — beaucoup abusent de ces lieux communs, pour faire preuve d’érudition et montrer combien la manière d’agir de tel ou tel général a été fautive. Or on comprend bien que, en admettant même qu’ils soient à leur place dans le système auquel ils appartiennent, ces termes techniques et ces aphorismes perdent toute leur valeur, dès qu’on les en arrache pour s’en servir en guise d’axiomes, et en vue de donner plus de force à ce que l’on prétend prouver.

C’est ainsi que, au lieu d’être l’expression simple et concise de ce que l’auteur entend dire et cherche à faire comprendre, les livres théoriques et critiques surabondent d’expressions techniques, et présentent tant d’obscurité, que le lecteur n’en peut rien saisir. Il est même certains de ces ouvrages, véritables coquilles vides, dans lesquels l’auteur, perdant peu à peu de vue le sujet qu’il traite, ne sait plus au juste ce qu’il veut dire, et en arrive ainsi à donner à ses idées une forme si obscure et si vague, qu’il n’oserait certainement pas les exprimer de la sorte de vive voix.

Nous signalerons enfin un troisième défaut, auquel les écrivains critiques sont fort enclins. Ils font volontiers abus des exemples historiques, et y ont habituellement recours bien moins pour appuyer ce qu’ils avancent que pour faire montre de grande érudition. Quand on y regarde de près, en effet, on s’aperçoit bien vite que, réunis ensemble sous prétexte de démonstration, trois ou quatre exemples, tirés des pays et des temps les plus éloignés ou des situations les plus dissem-