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de la critique.

parfois en faire absolument abstraction, qu’il n’y parviendrait jamais qu’imparfaitement.

Mais il n’en est pas seulement ainsi pour le résultat, c’est-à-dire pour ce qui ne s’introduit que tardivement, mais bien encore pour tout ce qui préexiste à l’action, et, par conséquent aussi, pour les données qui la déterminent. Dans la plupart des cas, la critique dispose d’un plus grand nombre de ces données que la direction elle-même, et ce serait se tromper que de croire qu’il lui soit facile de n’en pas tenir compte. À la guerre, ce n’est pas uniquement en s’appuyant sur des renseignements positifs, que l’on arrive à la connaissance des circonstances qui précèdent ou accompagnent les événements, mais bien aussi en recourant à une quantité d’inductions et de déductions ; et, de toutes les nouvelles que l’on reçoit, sauf celles qui procèdent de causes purement accidentelles, il n’en est peut-être pas une, qu’on ne serait prêt à remplacer par une supposition, si elle venait à manquer. On comprend donc bien que, par le fait même qu’elle ne fait ses recherches que postérieurement, et qu’elle connaît, par suite, exactement tout ce qui a précédé et accompagné les événements, la critique doit nécessairement se laisser influencer, lorsqu’elle se demande quelles sont celles, de toutes les circonstances encore inconnues au moment de l’action, qu’elle eût cependant elle-même considérées comme présentant le plus le caractère de la vraisemblance. Pour nous, nous prétendons qu’ici il est aussi impossible à la critique de faire absolument abstraction de ce qu’elle sait, que lorsqu’il s’agit du résultat, et par les mêmes motifs.

Lors donc qu’il lui faudra prononcer l’éloge ou le blâme sur la manière dont il a été procédé à la guerre dans une circonstance particulière, la critique ne parviendra jamais à se placer exactement dans la situation