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de la critique.

demander auquel des deux procédés il eût convenu de donner la préférence : de celui qui, bien qu’on en pût tirer ainsi une victoire plus retentissante, ne pouvait cependant conduire qu’à des résultats peu utilisables, ou de l’autre, dont les résultats promettaient d’être, à la fois, plus modestes et plus effectifs. Or, si l’on considère les choses de ce point de vue, on voit que, contrairement aux premières apparences, c’est précisément la seconde solution vers laquelle la hardiesse de son caractère eût dû faire pencher Bonaparte, et il n’est pas douteux pour nous, que, s’il n’a pas agi de la sorte, c’est qu’il n’a pas été à même de se représenter la situation et d’en saisir les exigences, avec la même clarté que la connaissance des événements nous permet de le faire aujourd’hui.

Dans l’examen des moyens employés, la critique doit naturellement en appeler fréquemment à l’histoire, car, en fait d’art militaire, l’expérience a plus de valeur que toute la vérité philosophique. Or la preuve historique repose sur des conditions spéciales que nous exposerons par la suite, et dont on tient malheureusement si rarement compte, que les relations historiques ne contribuent, la plupart du temps, qu’à augmenter la confusion des idées.


Il nous reste ici une importante question à traiter. Dans l’examen d’un cas particulier, jusqu’où est-il permis à la critique, ou même jusqu’où est-il de son devoir de faire usage de la connaissance des faits accomplis ainsi que des preuves qui s’en dégagent, et où et quand, au contraire, faisant abstraction de ces données, doit-elle se placer exactement dans la situation où se trouvait celui qui dirigeait l’action ?

Lorsqu’il lui faut répartir l’éloge ou le blâme, la critique doit se placer au même point de vue que celui qui a agi, c’est-à-dire que, réunissant en un faisceau tout ce