Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, IV.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
de la théorie de la guerre.

de vue. Telle était certainement la manière de voir du hardi Bonaparte. Il comptait sur l’effroi qui devançait ses armes. Cette confiance ne l’abandonna qu’à Moscou, après l’avoir conduit jusque-là. Mais, en 1812, la terreur qu’il inspirait s’était peu à peu usée dans les luttes gigantesques des années précédentes, tandis qu’elle était dans toute sa nouveauté en 1797, alors qu’on ne connaissait pas encore l’extrême puissance d’une résistance portée à ses dernières limites. Or, en 1797 déjà, sa hardiesse ne l’eût conduit qu’à un résultat négatif, si son génie, le lui faisant pressentir, ne l’eut porté à n’imposer à ses adversaires que les conditions modérées de la paix de Campo-Formio.

Nous en avons fini de cet exemple. Il fait ressortir les dimensions étendues, la multiplicité des rapports et les grandes difficultés que peut présenter la recherche critique lorsqu’on la pousse jusqu’au dernier but, de même que toutes les fois, en général, qu’il s’agit de l’examen de dispositions capitales ou décisives. Nous conclurons de cette étude que, dans l’espèce, le talent naturel n’est pas moins nécessaire que la connaissance théorique elle-même, par la raison que c’est plus particulièrement ce talent qui met à même de reconnaître comment les choses se sont enchaînées, et, malgré le grand nombre des événements, de distinguer ceux d’entre eux qui ont exercé le plus d’autorité dans cet enchaînement.

Mais ici le talent naturel est encore nécessaire à un autre point de vue. L’examen critique ne consiste pas, en effet, dans l’appréciation seule des moyens qui ont été réellement mis en œuvre, mais bien aussi dans la recherche et dans la découverte de tous ceux auxquels il eût été possible de recourir, et l’on n’est, en général, en droit de blâmer le choix d’un moyen, que lorsque l’on est en mesure d’en indiquer un autre qui lui eût été