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de la critique.

amené d’elle-même un revirement dans la marche des choses ; — et, dans la seconde, — que la conquête elle-même, suivie de l’occupation d’une partie considérable du territoire, eût conduit le vainqueur à une situation stratégique telle que ses forces n’y auraient pu suffire, ces considérations doivent exercer de l’influence sur l’appréciation des rapports dans lesquels l’armée d’Italie se trouvait, et révéler, en fin de compte, que cette armée n’avait pour elle que bien peu de chances de réussite. Or, c’est incontestablement là ce qui a porté Bonaparte, bien qu’il connût évidemment la situation désespérée de l’archiduc, à conclure la paix de Campo-Formio à des conditions qui n’imposaient aux Autrichiens, en somme, que la perte définitive de provinces dont la plus heureuse campagne n’aurait pu les remettre en possession. Si modérée, cependant, que fut la paix que les Français allaient ainsi concéder, ils ne pouvaient compter sur elle, et en faire, par suite, le but de cette opération hardie, qu’après avoir pris en considération et résolu par l’affirmative les deux questions suivantes : 1o  de savoir quelle valeur les Autrichiens accorderaient à celui des deux plans que le Directoire adopterait, et si, malgré la vraisemblance du succès final en leur faveur, ils ne préféreraient pas accepter une paix peu onéreuse ; et 2o  si, ne se rendant pas bien compte des derniers résultats probables de la prolongation de la résistance, ils ne se laisseraient pas entraîner au découragement, en raison des mauvais rapports du moment ?

La première de ces deux questions a une importance pratique si considérable et si décisive, que, partout où le plan est dirigé vers les extrêmes, elle s’impose à lui ou s’oppose à son exécution. La seconde s’impose également, par la raison que, à la guerre, on n’a pas affaire à la nature morte, mais à un adversaire vivant, dont il faut saisir les impressions, et qu’on ne doit jamais perdre