Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, IV.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
177
de la critique.

abandonna le terrain de la lutte et le passage des Alpes noriques. Or le seul parti que Bonaparte, en agissant comme il le fit alors, pût se proposer de tirer de la réussite de l’opération, était de se porter rapidement au cœur de la monarchie autrichienne, de façon à faciliter l’action des deux armées du Rhin, sous Moreau et Hoche, et à se mettre en communication directe avec ces deux généraux. C’est ainsi, effectivement, que Bonaparte vit les choses, et, dans la situation où il se trouvait, il eut raison. Mais que la critique, se plaçant à un point de vue plus élevé, envisage la question comme le devait faire le Directoire français, qui ne pouvait ignorer que la campagne ne s’ouvrirait que six semaines plus tard sur le Rhin, et elle ne peut plus considérer le passage des Alpes noriques par Bonaparte, que comme une opération d’une hardiesse outrée. En effet, si, mettant à profit ces six semaines de répit, les Autrichiens eussent pensé à tirer du Rhin des réserves assez considérables pour permettre à l’archiduc de se précipiter sur l’armée d’Italie, non seulement cette armée eût été écrasée, mais la campagne entière eût été perdue pour elle. C’est bien là, d’ailleurs, ce dont Bonaparte se rendit compte quand il fut parvenu dans la contrée de Villach, et ce qui le porta à se prêter à la conclusion de l’armistice de Léoben.

Si, s’élevant encore d’un degré, la critique découvre que les Autrichiens n’avaient aucune réserve entre l’armée de l’archiduc et Vienne, elle reconnaît que, en se portant ainsi en avant, l’armée d’Italie menaçait cette ville. Or, si l’on suppose que non seulement Bonaparte n’ignorait pas que la capitale de l’Empire fût ainsi découverte, mais qu’il savait en outre que, en Styrie même, l’archiduc ne lui pourrait pas opposer de forces supérieures, sa marche rapide vers le cœur des États autrichiens n’eût plus été sans but, car la valeur n’en eût plus dépendu que de celle que les Autrichiens eussent

Introduction. 12