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de la théorie de la guerre.

ment un conflit de grands intérêts, mais elle se rapproche bien davantage encore de la politique, qui est elle-même une sorte de commerce aux dimensions agrandies, dans laquelle elle se développe comme l’enfant dans le sein de sa mère, et où tous ses éléments se trouvent réunis à l’état latent comme les propriétés des êtres vivants dans leurs germes.


Différence essentielle entre la guerre et les arts.


Ce qui constitue la différence essentielle entre la guerre et les arts, c’est que, n’ayant affaire qu’à la matière inerte dans les arts mécaniques, et n’agissant, dans les arts d’imagination, que sur l’esprit et les sentiments humains, objets vivants mais passifs et partant disposés à se soumettre, l’activité de la volonté est sans cesse dirigée, à la guerre, contre des objets vivants et réagissants. On se rend bien compte que, reposant sur des notions si dissemblables, la guerre et les arts ne peuvent obéir aux mêmes règles, et que, par conséquent, toutes les recherches et tous les efforts, que l’on a faits jusqu’ici pour diriger la guerre d’après les lois qui régissent la matière inerte, ont fatalement dû conduire à des erreurs sans nombre. Or ce sont précisément les arts mécaniques sur lesquels on a prétendu modeler l’art militaire. Les arts de l’imagination, en effet, ne sont assujettis qu’à un nombre si restreint de règles et de lois, qu’ils ne se sont pas prêtés à l’imitation, et que tous les essais tentés de les prendre pour modèles n’ont successivement conduit qu’à des résultats incomplets et, par suite, à des règles et à des lois inapplicables.


Nous allons examiner, dans ce livre, si le conflit de forces vivantes, qui se produit à la guerre et se résout par elle, peut rester subordonné à des lois générales