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doit-on dire art ou science de la guerre ?

déjà proclamée, que c’est l’art qui domine partout où le but est de créer et de produire, et la science partout où le but est de rechercher et de savoir. Or, si ces considérations sont justes, il est plus logique de dire art de la guerre que science de la guerre.

Si nous nous sommes autant étendu à ce propos, c’est que cette notion est indispensable, mais, cela dit, nous prétendons que la guerre n’est ni un art ni une science dans le sens même de l’expression, et que c’est précisément ce faux point de départ qui a faussé toutes les idées, et conduit à comparer la guerre avec des arts et des sciences qui n’ont aucune analogie avec elle.

À une certaine époque on eut le pressentiment de cette vérité, et l’on imagina alors de traiter la guerre comme un métier. C’était tomber de Charybde en Scylla, car un métier est un art de nature inférieure, et soumis, comme tel, à des lois plus restrictives et plus absolues. C’est au temps des condottieri que, par des raisons politiques et financières et par conséquent absolument étrangères à lui-même, on contraignit l’art militaire à prendre ces allures. Or, par la faiblesse des résultats obtenus, l’histoire des guerres de cette époque fait voir combien cette manière de diriger la guerre était irrationnelle.


La guerre est un acte de la vie sociale.


Nous disons donc que la guerre n’est ni un art ni une science, mais qu’elle est un acte de la vie sociale. C’est un conflit de grands intérêts qui ne se résout qu’avec effusion de sang, et qui ne diffère qu’en cela précisément de tous les autres conflits qui surgissent entre les hommes. Elle a bien moins de rapports avec les arts et les sciences qu’avec le commerce, qui constitue égale-