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de la théorie de la guerre.

se confondre, de faire connaître les propriétés des moyens et d’en faire pressentir les effets, de préciser la nature des buts, de répandre enfin partout, sur le domaine de la guerre, la lumière d’une observation approfondie. C’est de la sorte qu’une théorie d’art militaire devient le guide de tous ceux qui, par l’étude des livres, cherchent à se familiariser avec les choses de la guerre. Elle leur indique la route, elle dirige leurs pas, elle forme leur jugement, elle les garantit contre l’erreur.

Lorsqu’un spécialiste d’une compétence reconnue passe la moitié de son existence à éclaircir un sujet obscur, il atteint nécessairement de tous autres résultats que celui qui ne peut consacrer qu’un temps beaucoup moindre aux mêmes recherches. Or la mission de toute théorie est précisément de faire qu’un chacun, sans qu’il lui soit nécessaire de s’épuiser lui-même dans des recherches préliminaires, trouve en elle, ordonnés, classés et mis en lumière, tous les éléments de la science qu’il veut étudier. Une théorie d’art militaire doit former l’esprit des futurs commandants d’armées, ou, mieux encore, leur fournir les moyens de faire eux-mêmes leur éducation ; mais elle n’a pas pour cela à les accompagner sur le champ de bataille. C’est ainsi qu’un professeur prudent dirige et facilite le développement de l’esprit de ses élèves, sans cependant les tenir en lisière leur vie durant.

Si, sous forme de règles ou de principes spontanés, la vérité se dégage d’elle-même des observations que la théorie formule, loin de résister à ce mouvement naturel de l’esprit, celle-ci doit y aider au contraire et en faire ressortir les résultats. En procédant de la sorte, la théorie satisfait à la loi philosophique de la pensée, et fait plus distinctement percevoir à l’esprit le point vers lequel toutes les lignes de l’édifice convergent ; mais